Dès la deuxième échographie, le fémur d’Armand était court. Le gynécologue a d’abord suspecté une trisomie. A la réception des résultats – négatifs – il a pensé que notre fils était mal alimenté parce que je « bougeais trop ». Il m’a donc hospitalisée à sept mois de grossesse. A huit mois de grossesse, j’avais effectivement grossi, mais Armand n’avait toujours pas une taille satisfaisante. Il a donc été décidé de provoquer l’accouchement au motif qu’Armand « grandirait mieux dehors que dedans ».
Armand est donc né à 46 cm (nous il nous paraissant grand, sa sœur de taille classique faisait un cm de moins à la naissance). Tout était prêt pour qu’il soit accueilli en néonat (ce pauvre bébé sous-alimenté par sa mère hyperactive), mais surprise, il faisait aussi 500 g de plus que prévu et il a pu rester avec nous.
Ensuite, Armand a été un bébé sans soucis, mais nous voyions bien (on avait déjà une fille) qu’il fallait faire beaucoup de revers sur ses vêtements et que sommes toutes, la courbe de croissance, il refusait de s’en approcher. La pédiatre avait toujours une explication : vous n’êtes pas très grands, il a eu une gastro, c’est les dents, il a été enrhumé… Mais la différence avec les autres bébés de son âge était évidente. Il ne tenait pas assis non plus.
Un médecin que nous connaissions nous a proposé de le voir. Il dirigeait un service de mucoviscidose. Nous n’étions pas inquiets sur cette pathologie, mais il fallait savoir si Armand avait « quelque chose de grave ». Il a fait des tests et a confirmé que oui, Armand était anormalement petit et qu’il fallait chercher pourquoi. Comme par ailleurs il était en bonne santé, il nous a adressé à un endocrinologue pour voir s’il n’y avait pas un déficit en hormones de croissance.
La première journée de tests pour les hormones a été la pire de notre vie même si le personnel de l’hôpital était adorable a tout était fait pour que nous nous sentions bien. Armand devait être à jeun depuis la veille au soir et une prise de sang était faite toutes les vingt minutes, de neuf heurs du matin à quatorze heures.
L’endocrinologue constatant que le taux d’hormones de croissance étant satisfaisant est allé revoir des radiographies jugées « normales ». Je me souviens de sa phrase à l’époque que je répète aux parents qui s’inquiètent d’avoir un enfant petit « Les courbes de croissance, ce n’est pas fait pour les chiens, il y a la place pour les très grands et les très petits, si un enfant est en dehors de la norme, il faut chercher ». Et c’est lui qui a décelé une anomalie. Nous étions alors en train de déménager dans le sud, et c’est par téléphone qu’il a dû nous annoncer – avec le plus de douceur et de bienveillance possible – qu’Armand était vraisemblablement porteur d’une maladie génétique osseuse et que seule un test génétique pourrait nous indiquer laquelle.
Nous atterrissons donc à la Timone, dans un service de génétique. Entre le coup de fil du médecin et l’annonce de la pathologie, huit mois se seront écoulés. Armand est porteur d’une hypochondroplasie. Après des mois d’errance et d’inquiétude, le diagnostic nous est apparu comme un soulagement. Moi qui avais fait du grec ancien à l’école, je savais que si le « a » d’achondroplasie signifiait « sans » et que « hypo », cela voulait dire « moins ». Nous avions déjà « étudié » toutes les maladies possibles, et celle-ci nous semblait finalement, la « moins pire ». Armand serait petit, il devrait vivre avec cela et avec sans doute des pathologies associées, mais sa vie n’était pas en danger.
Quelle était ma perception du nanisme avant cela ? Le nanisme n’était pas un sujet. Je n’avais pas de personne de petite taille dans mon entourage et je n’imaginais pas qu’un compliment fait dans un parc comme « C’est incroyable, qu’est-ce qu’il marche bien ! Il est drôlement débrouillard ! Il a quel âge ? » pouvait provoquer de la tristesse ou de la colère. Depuis, je déteste les parcs… et je fais toujours attention avant de complimenter un enfant.
Nadia Boursin-Piraud l Maman d'Armand, 17 ans.
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